Des universités aux laboratoires de recherche, comment TotalEnergies construit son influence sur les campus

By 1 year agoNews, News
Le PDG de TotalEnergies, Patrick Pouyanné (cravate bleue), à la cérémonie de remise des diplômes de l’Ecole des Mines, à Douai (Nord), le 19 septembre 2016.

Le 19 décembre 1951, le gaz jaillit à Lacq, à une trentaine de kilomètres de Pau, dans les Pyrénées-Atlantiques. Le territoire est surnommé « le Texas béarnais » et change à jamais de visage. La découverte du plus grand gisement de gaz naturel français accélère la création d’un bassin industriel. Une ville nouvelle sort de terre, Mourenx. La société nationale Elf Aquitaine opère l’exploitation du gisement dès 1957. Et l’université de Pau et des pays de l’Adour (UPPA) voit le jour en 1970.

« TotalEnergies, et avant elle Elf Aquitaine, est un partenaire historique de l’UPPA. Cette collaboration s’est inscrite dans des projets structurés comme des laboratoires communs ou des chaires partenariales », retrace Laurent Bordes, président de l’université de Pau et des pays de l’Adour. L’établissement évalue les montants de ses contrats de recherche avec le pétrolier à 3,8 millions d’euros pour 2022 et 2023. Et 30 % de ses laboratoires collaborent avec la multinationale.

Certains enseignants-chercheurs parlent d’une dépendance et, en interne, le sobriquet de « fac Total » est accolé à l’université. « Les liens entre Total et l’UPPA sont très étroits, souligne Julien Mattern, enseignant-chercheur en sociologie à l’université. Mais en parler est presque considéré comme une faute de goût. »

A quoi se mesure l’influence ? Peut-être au « tabou » de sa présence. « Souvent, on ne parle pas de Total pour ne pas froisser les collègues dont les labos sont arrosés par l’entreprise. Car, indirectement, celle-ci permet de recruter des jeunes en postdoc ou des personnels de recherche, et donc améliore nos conditions de travail, qui sont précaires », explique un chercheur, qui préfère rester anonyme.

Des étudiants s’interrogent également sur la présence de salariés de la major pétrolière dans les amphithéâtres, relate Ernesto Gonzalez, étudiant en sociologie à l’UPPA et représentant syndical : « Des salariés de Total donnent des cours sur le droit de l’environnement en licence de droit. On aimerait en savoir plus sur le rôle du groupe dans notre établissement, mais à chaque demande pour avoir des chiffres la présidence évite la discussion. »

Contexte de rigueur budgétaire

L’UPPA n’est que la partie émergée de l’iceberg. TotalEnergies se démultiplie dans l’enseignement supérieur : accords avec les associations étudiantes pour financer la vie associative, proposition de stages et d’alternances, mécénat, présence dans la gouvernance… La multinationale a même créé, en 2001, TPA, pour Total Professeurs Associés, une association qui met à disposition ses retraités et salariés pour des interventions bénévoles au sein des établissements de l’enseignement supérieur.

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